L'occupation du sol est l'écho visuel des inégalités présentes dans la ville.
Pour de nombreux habitants de Montréal et dans d'autres villes du Canada, le fait de pouvoir passer du temps dans les parcs locaux a été une planche de salut depuis l'apparition du COVID-19 et des règlements de santé publique. Les parcs ont servi d’espaces où les gens peuvent se connecter avec la nature et leurs réseaux sociaux à une distance sûre, tout en bénéficiant d'un semblant de normalité pendant la pandémie en cours. Les avantages sociaux, mentaux et physiques des parcs urbains ont été essentiels dans une période d'incertitude et de restriction. Mais que faire si l'accès n'est pas si simple?
Si les données montrent que l'accès aux espaces verts urbains en général a un effet significatif sur les résultats en matière de santé, elles montrent également que l'accès inéquitable à ces espaces verts tend à se recouper avec la race, l'ethnie et le statut socio-économique. Cela fait écho à la recherche sur les inégalités d'accès aux parcs urbains dans les pays du « Nord global », qui soutient que les minorités raciales et ethniques, ainsi que les personnes de statut socio-économique inférieur, disposent généralement de moins d'espaces verts et de parcs en moins bon état. Il s'agit d'un problème d'injustice environnementale, car l'accès d'une personne aux espaces verts communautaires ne devrait pas être affecté par la race et les conditions sociales.
Pour donner un exemple de la façon dont les parcs urbains sont liés à l'équité en matière de santé, ces espaces verts aident à contrer l'effet d'îlot de chaleur urbain (ICU) par lequel les infrastructures urbaines absorbent et retiennent la chaleur. Cela pose un risque pour la santé publique pendant les canicules, dont les données montrent qu'elles sont en augmentation dans les villes, y compris à Montréal. Le fardeau de ces conditions défavorables pèse souvent sur les quartiers urbains à faible revenu, car ils sont généralement soumis à des températures plus élevées, à une qualité de logement inférieure et à un accès moindre aux ressources sociales et matérielles (y compris la climatisation et les centres de refroidissement publics). Malgré cela, les récents plans climatiques proposés par les gouvernements de Montréal et de Québec ne répondent pas aux besoins des communautés à faible revenu ou racialisées.
Montréal se décrit sur son site officiel comme: « une métropole prospère au cœur vert, Montréal équilibre le confort et la culture des grandes villes avec une abondance de parcs sublimes. » Bien que beaucoup aient la chance de vivre la ville dans ce sens, cette affirmation flatteuse ne tient pas compte du fait que la ville ne distribue pas les ressources de manière égale entre les arrondissements, y compris l'accès à des "parcs sublimes". Sans surprise, ce sont les quartiers les plus pauvres de la ville, avec la plus grande concentration de personnes racisées, comme Montréal Nord. Ce sont également les communautés qui ont été à l'épicentre de l'infection et des décès dus au COVID-19.
On ne peut pas discuter de la question de l'iniquité des espaces verts dans le contexte du COVID-19 sans aborder également la question du maintien de l'ordre. En 2021, le gouvernement municipal a ignoré les campagnes citoyennes visant à réduire le financement de la police en faveur des services communautaires tels que les ressources en santé mentale et a choisi d'allouer au contraire plus d'argent au SPVM que l'année précédente. Le résultat de cette décision peut être observé dans la présence importante de la police dans les parcs de la ville, qui cherche à faire respecter les règles de distanciation sociale. Cela soulève des inquiétudes car le profilage racial et social par le SPVM était déjà un problème omniprésent et, étant donné que les amendes liées au covid ont un impact disproportionné sur les communautés noires, autochtones et autres communautés marginalisées à Montréal et dans d'autres villes canadiennes, cela s'est évidemment amplifié. La surveillance et la présence persistante de la police de Montréal dans les espaces communautaires sont ce à quoi de nombreux habitants des communautés pauvres de Montréal étaient déjà soumis avant la pandémie.
Des recherches ont montré que les jeunes racialisés des quartiers pauvres sont souvent ciblés et considérés avec suspicion par la police simplement parce qu'ils fréquentent ces espaces, même s'ils leur permettent de s'échapper d'un logement exigu. Dans le contexte de la pandémie en cours et des règles de distanciation sociale, auxquelles s'ajoutent des logements inadéquats et un investissement gouvernemental insuffisant dans les espaces verts communautaires des quartiers à faible revenu, ces conditions illustrent la discrimination systémique par laquelle la santé et le bien-être des Montréalais sont affectés en raison de leur race et de leur statut socioéconomique.
Le gouvernement municipal a le devoir de s'attaquer à ce problème, et les personnes qui vivent et travaillent dans ces communautés ont formulé des recommandations sur la façon de commencer. Le rapport de l'OCPM sur le racisme et la discrimination systémique appelle à une collaboration entre la Ville et les représentants des arrondissements, les services municipaux concernés, les membres de la société civile et les chercheurs pour aborder les questions relatives à la disparité territoriale. À savoir, les questions interconnectées des déserts alimentaires, des transports publics déficients et de l'inégalité des espaces verts dans les quartiers à faible revenu. Il s'agit d'une question cruciale, car la justice environnementale n'implique pas seulement la distribution égale des ressources, mais aussi la justice procédurale, en termes de prise de décision équitable et inclusive, et la justice interactionnelle, comme la fourniture d'équipements culturellement appropriés qui permettent un engagement positif avec les espaces verts communautaires pour les groupes marginalisés. Montréal en Action et l'OCPM demandent à la Ville de Montréal d'agir sur ces questions qui perpétuent l'iniquité en matière de santé et le racisme environnemental et contribuent en fin de compte à un système d'inégalité.